Extrait du procès de canonisation de Saint Jean Marie Vianney – 31 mai 1925

IX. Dons extraordinaires accordés à Mr Vianney. – Réputation de sainteté pendant sa vie.

  1. La vérité est que Dieu récompensa les vertus de son serviteur par des dons extraordinaires. L’humilité les faisait cacher avec grand soin au Curé d’Ars: aussi est-ce le côté le plus obscur de sa vie; cependant beaucoup de faits ont transpiré et ont démontré 1° que le serviteur de Dieu avait reçu le don des larmes; 2° qu’il lisait au fond des coeurs; 3° qu’il a annoncé des choses futures; 4° qu’il a eu des visions et des révélations; 5° qu’il a opéré un certain nombre de guérisons extraordinaires et miraculeuses, dont son humilité attribuait l’honneur à Sainte Philomène; 6° qu’il y a eu au grenier de la Cure une multiplication de blé en faveur de la Providence, etc. Ainsi qu’il sera déposé, etc.
  2. La vérité est que les lumières divines et infuses que le Curé d’Ars recevait avaient ordinairement pour objet la direction des âmes.

Le ministère par excellence du Curé d’Ars était, en effet, la direction des âmes, et une grande partie de sa vie s’est passée au confessionnal. Il avait reçu un don merveilleux de consoler les affligés, de toucher les pécheurs. Aussi on ne saurait compter les conversions éclatantes, qui se sont opérées par l’entremise du Serviteur de Dieu. Ainsi qu’il sera déposé, etc.

  1. La vérité est que jamais peut-être personne pendant sa vie n’a joui d’une aussi grande réputation de sainteté que Mr Vianney. On ne l’appelait que le saint Curé. L’ambition des pèlerins que sa réputation de sainteté lui amenait de toutes les parties du monde, ne se bornait pas à le voir, à lui parler, à entendre une réponse à leurs paroles, à recevoir sa bénédiction; elle allait encore à vouloir posséder un souvenir de lui, un objet qu’il avait béni, une image qu’il avait signée. De là, l’habitude prise par Mr Vianney bien qu’il en coûtât de continuels efforts à son humilité, de bénir après la messe, les croix, les médailles, les chapelets, et de mettre les initiales de son nom sur les images et sur les livres qu’on lui présentait. Ainsi qu’il sera déposé, etc.
  2. La vérité est qu’un très grand nombre de pèlerins ne se contentaient pas d’avoir la signature du Curé d’Ars ou un objet béni par lui, ils voulaient encore avoir quelque chose qui lui eût appartenu. Au commencement, lorsque le Curé d’Ars quittait un instant l’église, il ôtait son surplis et le déposait sur le mur du cimetière pour le reprendre ensuite; mais il a été bientôt obligé de ne plus le faire, parce qu’on le coupait par morceaux. On faisait de même de son chapeau, qu’il ne pouvait, pendant les longues séances du confessionnal, défendre contre ce pieux vandalisme; c’est pourquoi il résolut de ne plus s’en servir. Plusieurs fois on a donné des coups de ciseaux à sa soutane. On lui a souvent coupé par derrière des mèches de cheveux pendant qu’il faisait son catéchisme. Bien des feuillets de son bréviaire ont été enlevés. Inutile de parler de l’avidité avec laquelle on se disputait les choses qui avaient été à son usage ou qu’il avait simplement touchées. On ne pouvait faire visiter la cure aux étrangers sans avoir à constater ensuite quelques dégâts ou quelques larcins. On enlevait la paille de son lit, on mutilait ses chaises, on entaillait sa table, on déchirait ses livres, on ouvrait ses tiroirs, on lui volait ses plumes. Ainsi qu’il sera déposé, etc.
  3. La vérité est que la réputation de la sainteté du Curé d’Ars était tellement répandue, que son nom était sur toutes les bouches, son portrait se trouvait partout. Ce n’était pas seulement les gens du peuple, mais les personnages les plus distingués et les plus haut placés qui le regardaient et le vénéraient comme un saint. De là cette affluence à Ars des personnages les plus considérables, parmi lesquels un grand nombre d’Évêques. De là ces lettres qu’on adressait à Mr Vianney de toutes les parties du monde. Ainsi qu’il sera déposé, etc.
  4. La vérité est que l’on a vu se renouveler au sujet du Curé d’Ars des débats, qui ne semblaient plus de notre siècle. Les habitants de Dardilly, paroisse natale de Mr Vianney, jetaient des regards de convoitise sur le trésor possédé à Ars et songeaient aux moyens de le posséder à leur tour. Le plus simple fut d’aller trouver Mr Vianney lui-même, et de le supplier de disposer par testament qu’après sa mort sa dépouille mortelle serait rendue à sa paroisse natale. Le bon Curé, qui dans son humilité ne pouvait soupçonner leurs intentions secrètes, fit le testament connue on le désirait. Quand on le sut, ce fut une véritable consternation à Ars et dans tout le diocèse de Belley. L’Évêque dut intervenir: il demanda au Curé pourquoi il voulait quitter, après sa mort, la paroisse où il avait tant travaillé, et quelle raison il avait de désirer que son corps reposât à Dardilly. « Ah! dit le bon Curé, pourvu que mon âme soit auprès du bon Dieu, peu m’importe le lieu où sera mon cadavre. » Alors Mgr Chalandon réclama ce pauvre corps, et le Curé mortifié de telles prétentions, promit de faire un autre testament. Il le refit, en effet, la veille de sa mort et disposa définitivement de ses restes en faveur de la paroisse d’Ars. Mais les habitants de Dardilly ne se tinrent pas pour battus et multiplièrent les démarches auprès des diverses autorités pour avoir au moins une part de ce corps qu’ils regardaient déjà comme une précieuse relique.

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